Mon cher Pourpier!

Le Pourpier

INTRODUCTION :

Rappelez-vous ces tapis serrés de petites feuilles charnues, aux allures de plante grasse, poussant partout naturellement sur les espaces de terre laissés libres entre nos plants fraichement installés dans notre « parlement des plantes européennes » dans le parc de la Maison Monnet. Au lieu de le montrer du doigt comme un intru non désiré, au lieu de l’arracher rageusement comme un ennemi de nos « plans » bien maîtrisés, nous avons pris le temps de l’observer, de le connaître et d’accueillir toute l’extraordinaire richesse, culturelle et naturelle, qu’il pouvait nous apporter : le pourpier.

Une fois cette (re)connaissance installée, nous avons pu comprendre à quel point cette petite plante, qu’on prend facilement pour une « mauvaise herbe », comme on parlait autrefois des « mauvaises gens » pour les classes les plus basses et simples de la société embourgeoisée, était en réalité un trésor d’histoire et de vertus. D’ailleurs son existence même, peut-être aussi quelque chose de son « essence », se confond avec les plus vieilles pratiques rurales et vivrières du monde indo-européen.

Prenons donc le temps de faire connaissance avec elle, car derrière cette simple démarche, se résume en réalité tout le fond de l’action Paradeisos – Jardins européens : explorer et remettre le bon niveau d’attention, de connaissance et de partage, sur les merveilles de nature et de culture qui sont sous notre nez… et qui nous entourent la plupart du temps dans notre plus totale ignorance et indifférence, voire même parfois notre hostilité… Alors même qu’ils sont les témoins et messagers d’une part essentielle de notre histoire collective, pour peu qu’on leur accorde un minimum de temps, de crédit et d’attention.

En réalité, il faut bien l’avouer, ce serait toute notre éducation, nos conditionnements, nos reflexes d’agir, de réagir et de penser, qu’il faudrait revoir en profondeur… Un tel constat n’est pas anodin, car il explique beaucoup de choses : notre difficulté à installer les dynamiques d’un changement, qu’il soit individuel, collectif ou sociétal, qui devient pourtant, nous le sentons tous à notre façon, de plus en plus urgent et impérieux de réussir à installer dans la durée…

Et à coup sûr, avec les premiers soubresauts de vitalité du printemps, bientôt l’ami pourpier reviendra naturellement pointer le bout de son nez dans les parterres jardinés de Jean Monnet. Réservons-lui encore une fois le meilleur accueil, car cette « plante compagne » de l’Homme depuis les temps immémoriaux, recèle par son histoire, sa nature et ses nombreuses qualités, un message essentiel qui touche à la vocation profonde de notre association.

PETITE PLANTE ET GRANDE HISTOIRE

Le Pourpier est ainsi connu et consommé depuis la plus Haute Antiquité. Il est utilisé dans les cuisines orientales, entre Inde et Perse, depuis au moins 3 000 ans. L’Egypte Antique le connaissait bien également, employant ce légume aux propriétés miraculeuses surtout comme plante médicinale.

Le pourpier occupe donc une place privilégiée, depuis des milliers d’années, comme légumière vitale, mais aussi comme plante médicinale, dans l’ensemble des cultures indo-européennes. Venu d’Orient, probablement d’Inde ou du bassin babylonien, entre l’Indus et les plaines alluviales humides de l’Euphrate, transporté ensuite entre les vaisseaux de guerre perses et les navires marchands phéniciens, le pourpier était connu et consommé dès l’époque de la Grèce archaïque, qui le désignait sous le vocable Andrakla (αντράκλα), ou encore andrachnê ou haima opheôs (« sang de serpent »), en fonction de son ancienne appellation magique. Le pourpier était particulièrement bien connu de la crête minoenne, par où il est probablement entré la première fois dans le monde hellénistique, pour coloniser progressivement ses paysages naturels et culturels. Il fait d’ailleurs toujours partie du fameux régime crétois, aux incomparables vertus sur la santé, l’ile crétoise abritant encore un grand nombre de variétés de pourpiers à l’état naturel dans ses versants ravinés. Il subsiste aussi une vieille recette grecque ayant traversé les âges : des feuilles et des tiges de pourpier fris à l’huile d’olive, avec de la féta, des tomates, de l’ail et de la marjolaine.

Après les grecs de l’Antiquité, les romains lui accordèrent également une attention spéciale, que l’on retrouve dans les écrits d’Hippocrate, Dioscoride ou de Pline l’Ancien, comme composante de la pharmacopée romaine. La pratique culinaire la plus répandue était de conserver le pourpier dans du vinaigre, une recette qui demeure encore jusqu’à nos jours une très bonne façon d’apprécier sur qualités gustatives, comme on le fait avec nos concombres nains rebaptisés « Cornichons ». …

Le monde arabo-musulman a également gardé, dans ses vieux héritages culturels, le souvenir marquant de cette plante hors norme, l’appelant à l’époque médiéval, en plein âge d’or des sciences et de la médecine arabe : le « légume béni ».

Même si l’Europe méditerranéenne connaît le pourpier depuis très longtemps, ce n’est qu’au XIIème siècle que sa connaissance et son utilisation s’instaure partout sur le continent. Le Macer Floridus, ouvrage d’herboristerie référent conçu en Europe centrale dès le XIème siècle, en parlait déjà longuement. Dans le monde rhénan, Hildegarde de Bingen le présente ensuite dans son encyclopédie Physica « Liber plantis », parmi ses 230 plantes à usage thérapeutique, puis Albert de Cologne (Albert le Grand) de manière plus détaillée au siècle suivant. Sa culture se répand en Europe du nord au XVIème siècle, en particulier en Angleterre à partir de 1582. Un intérêt pour la plante qui durera jusqu’au début du XIXème siècle, avec plus ou moins d’attrait selon les régions européennes, avant que l’industrie alimentaire le néglige totalement dans ses circuits de production et de distribution. Ce sont les anglais et les hollandais qui en sont probablement restés les plus friands.

Le pourpier est remis en valeur en France à la fin du XVIIème siècle, par le jardinier en chef du Potager du Roi, Jean-Baptiste de La Quintinie, qui en vante les vertus à Louis XIV. Il est alors utilisé comme le cresson, en sauce ou en velouté, mais aussi « à la romaine » – mode Antique oblige dans ce « Grand Siècle classique » – en condiment avec de l’huile ou du vinaigre. Au XVIIIème siècle, le pourpier était encore préparé en beignet, ou en accompagnement des viandes, pour certaines cérémonies, comme les mariages, ou les fêtes de village un peu partout en France.

Le pourpier retombe ensuite en désuétude… jusqu’à nos jours, devenant pratiquement introuvable dans le commerce, sauf dans certains coins du sud de la France. Mais à voir sa capacité à pousser naturellement là où on l’attend pas forcément, jusque dans les parterres participatifs d’un petit jardin européen dans un recoin d’Ile-de-France, il est certain que son histoire est loin d’être terminée…

ACTUALITE BOTANIQUE, GUSTATIVE ET THERAPEUTIQUE

 

Le pourpier est ainsi encore une plante très commune dans les jardins en particulier du sud de la France à qui différents noms sont prêtés : « pourpier maraîcher » « porcelane » ou encore « pourpier des jardins ».

Très utilisée traditionnellement dans le régime crétois (le meilleur pour notre santé), le pourpier fait son retour en force dans nos assiettes. Et c’est une bonne nouvelle car il est à la fois peu calorique mais surtout très riche en micro-nutriments ! Nous avons de l’or dans nos jardins !!! Adoptons-le !!!?

Il existe également un pourpier de culture, comme plante d’ornement, dénommé pourpier doré (Portulaca grandiflora). Ici nous ferons un focus sur le pourpier sauvage.

Dénomination latine :
Portulaca oleracea

Famille Botanique :
Portulaceae Portulacaceae (Brassicaceae)

Description et habitat:
Le pourpier sauvage se caractérise par des tiges rampantes de couleur rougeâtre, s’étalant sur 10 à 30 cm et de petites fleurs jaunes. Ses feuilles et tiges sont charnues.
Les fleurs jaunes sont solitaires ou agglomérées à l’aisselle et au sommet des rameaux. Elles comportent 2 sépales et 4 à 6 pétales. Les étamines (6 à 12) entourent un styles à 4-6 branches.
Le fruit est une capsule, s’ouvrant circulairement en travers contenant de nombreuses graines, noires et luisantes.
Il s’agit d’une plante annuelle, hermaphrodite (mâle et femelle sur le même pied) autogame.
Le pourpier est très commun dans les jardins et les friches et pousse dans toute la France mais de préférence dans les zones chaudes et en particulier dans le Sud. En effet, il apprécie une exposition en plein soleil et un sol sec et bien drainé. On le trouve dans toutes les régions tempérées du monde : Europe, Asie (Chine, Inde…), Amérique ou Australie.

A noter : le pourpier est un bio-indicateur caractéristique des sols :
• manquant d’air, le plus souvent à cause du compactage
• carencés en calcium
• à faible pouvoir de fixation (eau et éléments fertilisants) donc très secs en été.

La période de floraison s’étale de mai à novembre (suivant les régions).

Parties utilisées :
Pour la consommation alimentaire, privilégier les feuilles charnues les plus jeunes car elles deviennent filandreuses en vieillissant

Période de récolte :
De mai à septembre (quand il n y a pas encore de graine, après les feuilles sont trop filandreuses)

Composition de la feuille :
La feuille de pourpier bien que peu calorique est constituée de mucilages améliorant le confort digestif et est très riche en micro-nutriments.
Vitamines :
 riche en β-carotène (jusqu’à 3,mg/100 g de feuilles fraiches).
 Contient la plupart des vitamines du groupe B ( à hauteur des concentrations de la plupart des fruits)
 très riche en vitamine C, (jusqu’à 20 mg / 100 g de feuilles fraîches), c’est vraiment un intérêt majeur dans la consommation de pourpier
Minéraux/oligo-éléments :
 très riche en ces minéraux : potassium, calcium, fer, magnésium
Acides gras essentiels :
Le pourpier contient très peu de lipides ( 0,1 % ) mais parmi eux, il est réputé pour sa forte concentration en acides gras oméga 3 (qui font le succès du régime crétois).
Au total, 27 acides gras ont été détectés dont 4 principaux :
L’acide α-linolénique ( oméga 3) est l’acide gras le plus abondant. Il s’agit d’un acide gras essentiel (non synthétisé par le corps). Il joue un rôle important dans la croissance et la prévention des maladies. Il a un rôle anti-inflammatoire très intéressant pour compenser une alimentation trop pro-inflammatoire (industrielle).
Deux acides gras saturés : acide palmitique et acide stéarique
Et l’acide linoléique ( oméga 6).

Plusieurs acides organiques :
Dans les feuilles : acide oxalique (probablement responsable du gout acide)
Dans les tiges : acide citrique
Les acides aconitique, malique et fumariques sont également présents dans la plante.

Polyphénols :
En particulier, les feuilles contiennent des polyphénols avec une activité antioxydante

Propriétés (plante) :
 Antiscorbutique
 Dépurative, diurétique (riche en mucilages)
 Hypocholestérolémiante et hypotriglycéridémiante (omega 3)
 Atténue l’inflammation vasculaire (omega 3, polyphénols)

Utilisations : LE POURPIER EST UN ALIMENT ROI DE L ALIMENTATION SANTE.

Le pourpier est un aliment peu énergétique, apportant peu de calories. Très utilisé dans le régime crétois, les jeunes tiges et feuilles de pourpier se consomment en salade, purées, potages, houmous, omelettes (…) et leur goût légèrement acidulé donne une petite touche originale.

Voici quelques propositions :
Les feuilles et tiges se mangent crues en salade et sont souvent incorporées dans le mesclun. Elles ont un petit goût acidulé.

Salade-plat au pourpier :
Pour 4 personnes :
1 poignée de feuilles de pourpier
1 poignée de cresson, ou mâche
1 poignée roquette ou endives (amertume qui contrebalance acidité pourpier)
80 g de feta
1 pomme,1 petit concombre, une tomate
5 à 6 Olives ou câpres
Topping : 4 à 6 Noix de Grenoble ou noisettes, une poignée de raisins (secs ou encore mieux frais)
Pour la décoration et le plaisir du gout, vous pouvez complétez votre topping avec quelques fleurs de mauve sauvage et graines de pavot
En pratique :
Mélanger le tout dans un saladier en commençant par les salades, puis en coupant finement les légumes, et ajouter la feta, les olives, et enfin le topping (noix, raisins, fleurs, graines de pavot)
Sauce : estragon huile d olive, vinaigre, jus de citron, pesto d’ortie, sel et poivre
Accompagner de houmous (maison) et gressins…

Gaspacho de pourpier :
Le pourpier étant riche en mucilages, qui permettent d’épaissir et lier les soupes froides est très approprié à la confection d’un gaspacho.
Ingrédients :
Une poignée de feuilles de pourpier
Un concombre
Une dizaine de feuilles d’aromates (menthe, estragon, basilic au choix selon goût)
Un jus de citron
1 cuiller à soupe d’huile d’olive
1 yaourt grec
Ail (facultatif)
Sel, poivre
Préparation :
Epluchez le concombre, les couper en morceaux
Dans un blender, incorporer les ingrédients et mixer

Goutez, rectifiez si nécessaire
Mettre au réfrigérateur 1 à 2h
Servir dans des verrines
Vous pouvez compléter avec un topping desnoisettes mixées
C’est prêt !!!

Condiment (torshi iranien) :
En Iran, pays d’origine de mon cher et tendre, il n’est pas imaginable de servir un repas sans ce fameux « torshi », qui est une sorte de pickle traditionnel. Pour tout vous avouer je ne suis pas très amatrice de saveurs acidulées, mais quand c’est fait avec amour…
Le torshi permet de conserver les légumes dans la durée.
Ingrédients :
Une poignée de tiges de pourpier
Carotte coupée en morceaux
Cornichons frais, ail
Vinaigre de cidre ou vinaigre balsamique
Sel, poivre
Aromates (basilic, estragon, romarin, menthe… selon vos gouts)
Dans un pot en verre, ajoutez tous les ingrédients, puis couvrez de vinaigre
Laisser murir au moins 3 semaines
C’est prêt ! vous pouvez l’utiliser comme pickles…

REGALEZ-VOUS !!

Chroniques paradésiennes : « Histoires de plantes »

Rappel : les chroniques « Histoires de plantes », avec leur approche pluridisciplinaire croisant les contenus historiques, ethnobotaniques, horticoles, pratiques, culinaires et thérapeutiques, sont le fruit de la collaboration de deux membres paradésiens : Catherine Chevallier (docteure en Pharmacie, spécialisée en herboristerie et phytothérapie), et Sylvain Hilaire (Docteur en Histoire, spécialisé en histoire culturelle et environnementale, ainsi qu’en étude des jardins et des paysages culturels). Après le cassis et l’ortie, c’est donc le pourpier qui est la nouvelle « plante compagne » mise en lumière…

Bibliographie :
http://www.wikiphyto.org/wiki/Ortie
« les plantes médicinales en agrobiologie », Wicki Gerbranda, éditions Pensée sauvage/Terradou, 1991
www.tela-botanica.org
« je cuisine les plantes sauvages », terre vivante, amandine Geers et olivier Degorce,2015
Grimoire des recettes de l’apothiquaire », Rustica editions, Laurent terasson, 2014

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